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Marie-Hélène Verville
Publié le 2 Décembre 2010
Maladie Lyme et tiques infectées à l’île Bizard
Sujets :
Institut national , ILADS , Agence de la santé publique du Canada , Québec , États-Unis , Hôpital Saint-Luc
«Avez-vous eu une enfance difficile ?» Lorsqu’elle s’est fait poser cette question en avril dernier par un médecin de l’hôpital Saint-Luc, Marie-Ève Imbeault, 23 ans, n’en croyait pas ses oreilles.
Elle avait vu en un an une dizaine de médecins de diverses spécialisés, et passé un nombre incalculable de tests. Tous négatifs, sauf celui d’une culture d’urine. Ses symptômes qui revenaient de façon cyclique – entre autres confusion, incontinence, spasmes musculaires importants, douleurs, vision trouble, une glande thyroïde hors de contrôle, fatigue – seraient de nature psychique. C’était du moins la dernière hypothèse en liste d’un des médecins qu’elle a vu. On a d’abord cru qu’elle souffrait du lupus, de la sclérose en plaques, de la polyarthrite rhumatoïde, du trouble dystrophique prémenstruel, d’un simple stress, de fibromyalgie. Une résidente de l’hôpital Saint-Luc lui a même donné une prescrïption… pour aller voir un maître reiki-shaman.
Ces symptômes, reviennent par crises depuis avril 2009, et empirent à chaque fois. « En mai 2010, j’ai même commencé à avoir de la difficulté à parler et à écrire, ou composer un numéro de téléphone. J’étais confuse, j’avais l’impression de perdre ma tête !» explique la jeune femme. Ses spasmes musculaires et la douleur la dérangeaient, au point de ne plus dormir la nuit. Elle a d’ailleurs perdu son emploi quelques semaines plus tard, lorsqu’elle a pris un (autre) congé de maladie.
Lorsque les médecins l’ont renvoyé chez elle au printemps, elle a entrepris une série de recherches, surtout sur Internet où des histoires comme la sienne pullulent, qui l’ont menée dans une clinique spécialisée aux États-Unis.
Le diagnostic est tombé au début de l’été 2010 : maladie de Lyme. Cette maladie transmise par la morsure des tiques, appelées Ixodes scapularis et Ixodes pacificus, qui ont été infectées par la bactérie Borrelia burgdorferi. C’est cette bactérie qui est transmise lors de la morsure.
Depuis 2004, c’est une maladie à déclaration obligatoire au Québec. Il y a entre 7 et 14 nouveaux cas chaque année depuis cinq ans, estime François Milord, médecin-conseil à l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ). Sauf que Marie-Ève Imbeault ne fait pas partie de la statistique. Car elle a reçu son diagnostic à Plattsburgh. Le test a été fait par un laboratoire privé aux États-Unis, selon un protocole différent de celui qui est offert du côté public au Canada et aux États-Unis. Avant ce rendez-vous aux États-Unis, elle n’a pu avoir accès à la version canadienne du test, car aucun des médecins qu’elle a vu ne l’a demandé.
Elle a donc commencé en juillet un traitement d'antibiotiques, d'antiprotozoaires, d'anti-inflammatoires par la bouche et par intraveineuse. Elle en a pour plusieurs mois, voire plusieurs années, et cela lui coûte, selon elle, 5000 dollars par mois. Ces médicaments ne sont pas remboursés, car elle n’a pas trouvé au Québec de médecin qui les lui prescrira.
Il faut dire que depuis, elle a passé le test canadien, et que le résultat est négatif. En recevant un diagnostic de maladie de Lyme, aux États-Unis et au privé en plus, Marie-Ève Imbeault a mis le pied dans une controverse qui déchire le monde médical, à coup de poursuites et de publications scientifiques. Une controverse assez puissante pour qu’elle refuse de révéler publiquement le nom de son médecin traitant de Plattsburgh.
Controverse en bref
Aux États-Unis, environ 20 000 cas de maladie de Lyme sont déclarés chaque année, surtout dans les États du Nord-Est et du Centre-Nord, selon l’organisme américain Centers for Disease Control and Prevention. Lyme est le nom d’une ville au Connecticut, où des parents ont remarqué, dans les années 1970, que plusieurs enfants de la communauté avaient développé l’arthrite rhumatoïde juvénile.
Dans ce contexte, les scientifiques ne s’entendent pas sur la façon de soigner cette maladie. Selon l’Infectious Diseases Society of America (IDSA), cette maladie est facilement traitable et nécessite de trois à six semaines d’antibiotiques. Si la maladie n’est pas guérie après ce délai, l’IDSA croit qu’il s’agit alors d’un «syndrome post-Lyme», une entité dont il n’existe pas de consensus sur la définition. L’IDSA ne reconnaît pas l’existence d’une maladie de Lyme en phase chronique. C’est à ces pratiques qu’adhèrent la plupart des médecins, et les organismes gouvernementaux canadiens et américains s’en inspirent largement. Le fait est qu’il y a davantage de recherches publiées qui semblent approuver le protocole de l’IDSA.
De l’autre côté, il y a l’organisme International Lyme and Associated Diseases Society (ILADS), un regroupement de chercheurs et de médecins qui croient qu’il faut soigner les malades jusqu’à la disparition des symptômes, ce qui nécessite parfois des mois, voire des années de traitement. Souvent, cette approche est vue comme alternative.
C’est à cette école que le médecin Maureen McShane, qui pratique dans l’État de New York, adhère. Elle voit en ce moment environ 140 patients du Québec et de l’Ontario dans son bureau de Plattsburgh. Des gens qui ont vu des dizaines de médecins avant elle, et qui ont parfois tout perdu. «On est vu parfois comme des cancres, des magouilleurs. Mais le fait est que les gens qui sont traités au long terme vont mieux !» Selon elle, environ 90 % des patients en phase chronique qu’elle traite ont vu une grande amélioration dans leur condition. «J’ai trois patients qui ont même quitté leur fauteuil roulant.»
Le grand problème de l’ILADS, c’est que leurs recherches ne paraissent pas dans les journaux médicaux de haut vol, ce qui fait que cette maladie, et les maladies transmises par les tiques en général, passent sous le radar des médecins canadiens, affirme Maureen McShane. Lorsqu’elle est tombée malade en 2002, elle-même n’arrivait pas à trouver ce qu’elle avait, avoue-t-elle. C’est finalement un médecin spécialiste dans la maladie de Lyme qui a trouvé comment la soigner. «Les médecins ne sont pas très éveillés à cette problématique. Jusqu’au jour où cela arrive à leur femme, à leur enfant, ou à eux-mêmes.»
En 2008, le Procureur général du Connecticut a sommé l’IDSA de revoir ses pratiques. Ce fut après qu’une enquête eu révélé que plusieurs des scientifiques qui ont pondu le protocole pour soigner les patients en 2006, étaient en situation de conflit d’intérêts. Avec des compagnies d’assurances-santé. «Mon bureau a mis à jour des intérêts financiers non-publics chez plusieurs des plus puissants des panélistes de l’IDSA. Le protocole de l’IDSA a ignoré ou minimisé de façon abusive la possibilité d’une opinion médicale alternative et certains faits, par rapport à la maladie de Lyme en phase chronique. Cela remet en cause leur impartialité dans cette affaire, et si leurs recommandations reflètent ou non, l’état des connaissances scientifiques», pouvait-on lire dans le communiqué de presse du procureur Richard Blumenthal, le 1er mai 2008.
Les directives ont été revues en 2010, mais n’ont pas beaucoup changé. «Il y a une vraie bataille politique en ce moment aux États-Unis. Si l’on ne suit pas les directives de l’IDSA, on risque effectivement de se faire poursuivre. De plus en plus, plusieurs États protègent leurs médecins par contre, mais ce n’est pas le cas de celui dans lequel je pratique», affirme Maureen McShane.
Rififi autour des tests de dépistage
Le Cités Nouvelles a demandé (au ministère de la Santé du Québec, au Collège des médecins, à l’Institut national de la santé publique du Québec, à Direction de santé publique, l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal et à l’Agence de la santé publique du Canada) pourquoi c’est si compliqué pour Marie-Ève Imbeault de se faire soigner.
La réponse de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) fut très brève: «Le MSSS recommande de consulter son médecin de famille ou encore le CSSS de sa région.». Chose qu’a évidemment faite Marie-Ève Imbeault, sans succès.
La réponse de l’Agence de la santé publique du Canada a été un peu plus informative. «La maladie de Lyme est difficile à diagnostiquer, étant donné qu’elle peut imiter d’autres infections. Elle doit d’abord faire l’objet d’un diagnostic clinique puisque les essais en laboratoire présentent une marge d’erreur», nous a-t-on expliqué, via la porte-parole Charlene Wiles.
Au Québec, c’est le laboratoire de Santé publique lié à l’INSPQ qui s’occupe des tests de dépistage pour la maladie de Lyme. Les échantillons doivent être soumis à trois types de tests, le premier devant être positif pour passer aux étapes suivantes, explique le microbiologiste Michel Couillard, du laboratoire de Santé publique. Trois étapes, avant un positif, est-ce une façon courante de procéder? «Non, nous faisons cela dans le cas du dépistage du sida, par exemple.»
Marie-Ève Imbeault a passé le premier test canadien de l’INSPQ, dont l’acronyme est ELISA, mais seul un test, nommé Western Blot, envoyé au laboratoire Igenex en Californie, a été positif. «La littérature scientifique ne documente pas de manière satisfaisante la précision de ce test-là (Western Blot)», a martelé Michel Couillard. «Le problème avec le Western Blot, c’est que si on ne l’utilise pas selon des critères spécifiques, (comme on fait ici, mais pas dans plusieurs laboratoires privés aux États-Unis) il y aura beaucoup de faux positifs et des gens vont se faire diagnostiquer une maladie qu’ils n’ont pas.»
Le médecin Maureen McShane a un tout autre point de vue. «Les gens ne sont pas soignés au Canada et viennent me voir parce que les tests utilisés ne sont pas très bons. L’ELISA peut produire jusqu’à 70 % de faux négatifs.» Selon elle, aucun des tests proposés n’est parfait, et le médecin doit surtout se fier aux symptômes, comme le veut l’Agence de la santé publique du Canada. «La personne la plus malade peut avoir un test Western Blot négatif, parce que son corps ne produit pas les anticorps nécessaires pour combattre la maladie.»
De son côté, le président de CanLyme Jim Wilson fait pression pour un plus grand emploi d‘un test utilisé par les vétérinaires. La fondation CanLyme est un groupe de pression qui regroupe surtout des gens qui, comme Marie-Ève Imbeault, ont dû se battre pour être soignés. «Pourquoi le test C6, qui est pourtant disponible pour chiens au Québec, n’est-il pas utilisé comme une des étapes du diagnostic? Il a été développé au départ pour cela, et pour les humains, et il est utilisé dans plusieurs autres juridictions.» Ce test été autorisé au Canada et est disponible au Laboratoire national de microbiologie de l’ASPC. «Les laboratoires de santé publique provinciaux étudient actuellement la possibilité d’utiliser ce test», a expliqué la porte-parole Charlene Wiles. Il n’y aura pas de révolution dans les laboratoires du Québec demain. « À l’heure actuelle, aucune mesure visant à remplacer le test ELISA n’a été prise.»
Une simple rougeur
En avril 2009, Marie-Ève Imbeault et son copain ont fait une balade en bicyclette dans le Bois-de-L’Île-Bizard. «Sur le coup, je ne m’en suis pas rendu compte, mais quelques jours plus tard, j’avais une tache rouge dans le cou, un peu comme si la peau était brûlée. Elle était petite, et grossissait de jour en jour. Et elle piquait!»
Cette rougeur est caractéristique du premier stade de la maladie de Lyme, alors que l’infection est encore bénigne, et facile à traiter. Parfois même, on trouve la tique encore attachée à la peau. Les tiques ne piquent pas comme les moustiques, en quelques secondes. Elles doivent être accrochées de 24 à 72 heures sur leur hôte pour qu’il y ait un risque réel d’infection, admet-on généralement dans la littérature scientifique. Seules les tiques infectées transmettent la maladie.
Au second et troisième stade, la maladie devient plus sérieuse. Cela commence par des symptômes grippaux : fièvre, toux, fatigue, frissons, maux de tête. Ensuite, cela évolue souvent vers des douleurs vives aux articulations, des migraines et une faiblesse généralisée. Au troisième stade, l’arthrite peut devenir chronique, selon le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail. Des symptômes neurologiques peuvent apparaître, de même qu’une paralysie. Les symptômes sont divers et varient d’une personne à l’autre.
source :
http://www.citesnouvelles.com/Societe/S ... 12408/Le-c…