Plombages dentaires : la Sécu met-elle en danger la vie des patients ?
Publié par : 
http://www.mediapart.fr/journal/france/ ... pour-mardi
Le : 30/06/09
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Près de 40 millions de Français portent des amalgames dentaires. Aussi 
appelés plombages, ils servent à soigner les caries. Or, ils contiennent 
50 % de mercure, un poison qui se répand dans l’organisme et peut 
provoquer de graves problèmes de santé. Pour cette raison, plusieurs 
pays européens ont interdit ces amalgames. Mais en France, le ministère 
de la Santé et la Sécurité sociale rejettent le principe de précaution, 
en assurant qu’il n’y a aucun danger. Enquête sur les dessous de cette 
décision sanitaire.
Fauteuils relaxants, musique douce et bouteille d’eau à portée de main. 
Une dizaine de personnes se reposent, perfusion au bras. Dans ce cabinet 
médical de Tienen, ville flamande à 40 km à l’est de Bruxelles, ces 
patients ne viennent pas donner leur sang ou leur plasma mais se faire 
soigner d’une intoxication aux métaux lourds.
Parmi eux, Sandrine G.*, une Calaisienne coquette et souriante. Il y a 
quelques années, cette dentiste de 43 ans souffrait le martyre. « Je ne 
pouvais plus porter un sac. J'annulais des rendez-vous professionnels au 
milieu de la journée. Je m'effondrais en pleurs, tellement mes muscles 
étaient tétanisés par la douleur. » La raison ? Une intoxication au 
mercure, diagnostiquée en 2008 par le laboratoire d’analyses médicales 
de Brême (Allemagne), que Sandrine G. attribue à ses amalgames 
dentaires. Les plombages contiennent en moyenne un gramme de mercure. 
Ils sont utilisés depuis 150 ans par les dentistes pour soigner les 
caries et près de 40 millions de Français en portent.
Or, le mercure s’échappe des amalgames sous forme de vapeurs et de 
poussières. « La moitié du métal est libérée dans l’organisme en raison 
de la mastication, du brossage de dents ou de la pose et dépose 
d’amalgames », explique Jean-Marie Danze, consultant belge en 
biophysique pour l’Association médicale allemande et auteur du livre 
Amalgames dentaires : un problème de santé publique. Et d’ajouter : « Ce 
mercure est absorbé par certains tissus comme les reins, le foie ou le 
cerveau, passe à 80 % dans le sang et est transmis au fœtus par le 
placenta. »
Selon Jean-Marie Danze, les effets du mercure sont aggravés par la 
présence d’autres métaux dans la bouche. Sous l’effet de la salive, ils 
produisent des micro-courants électriques pouvant affecter le système 
nerveux.
Résultat : troubles respiratoires, vomissements, douleurs articulaires, 
défaillance rénale, troubles de la concentration et de la coordination 
ou encore risques cancérogènes…
Depuis un an, Sandrine G. se rend une fois par mois à Tienen. On lui 
injecte du DMPS, un produit qui permet d’éliminer les métaux lourds de 
l’organisme. Si elle a retrouvé l’usage de ses membres, sa guérison lui 
a coûté près de 300 euros, non remboursés par la Sécurité sociale française.
Difficile de chiffrer le nombre de personnes intoxiquées. Selon 
Françoise Cambayrac, ancienne intoxiquée au mercure et auteure du livre 
Vérités sur les maladies émergentes qui dénonce les dangers des 
amalgames, 15 % de la population française serait concernée : « Ceux qui 
ne possèdent pas les gènes APOE 1 et APOE 2 permettant d’éliminer les 
métaux lourds ou qui ont tellement de mercure en bouche que leurs 
capacités naturelles d'élimination sont submergées. »
Caroline Bornert, qui s’est vue poser et déposer 25 plombages, a enduré 
les mêmes souffrances que Sandrine G.. Cette Alsacienne de 60 ans, 
déclarée invalide six années durant, a assigné au civil son ancien 
dentiste. Et depuis 2005, elle s’est constituée partie civile dans une 
instruction au tribunal de grande instance de Paris, ouverte pour « mise 
en danger de la personne d’autrui relative à la pollution mercurielle de 
l’environnement par les cabinets dentaires ».
Des études qui dérangent
L’affaire pourrait déboucher sur un procès et trancher un débat qui 
enflamme le monde scientifique depuis plus de 30 ans. Dans les années 
1970, Jean-Jacques Melet, un médecin épidémiologiste de Montpellier, 
tire la sonnette d’alarme. Après l’examen d’un millier de patients 
possédant des amalgames dentaires, il met en évidence une intoxication 
chronique aux métaux lourds chez certains d’entre eux. En 1998, il fonde 
l’association « Non au mercure dentaire », regroupant près de 300 
adhérents, qui milite pour l’interdiction des amalgames.
En 1996, l’université allemande de Tübingen analyse la salive de 20 000 
personnes porteuses de neuf amalgames en moyenne. Environ 30 % des 
personnes absorbent deux fois plus de mercure par jour que la valeur 
permise par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), de 21 mg / litre 
de sang. Une relation est par ailleurs établie entre la libération de 
mercure et l'apparition de symptômes au niveau de la bouche, de 
l’estomac et du système nerveux.
En 1995, 1 500 victimes gagnent un procès en Allemagne contre plusieurs 
fabricants d’amalgames. Trois ans plus tard, la Suède dérembourse les 
plombages et en 2008 la Norvège et le Danemark les interdisent. La même 
année, la Food and Drug Administration (FDA) américaine reconnaît la 
toxicité du mercure « sur le système nerveux des enfants en croissance 
et les fœtus ». En 2007, le ministre luxembourgeois de la Santé soutient 
l’Appel du Luxembourg pour l’interdiction des amalgames dentaires, lancé 
par l’ONG locale Akut.
En France, le Dr Melet prêche dans le désert. Rayé de l’Ordre, il se 
suicidera en 2005. La même année, l’Afssaps conclut à la non dangerosité 
du mercure dans les amalgames dentaires. « Les doses de mercure 
identifiées sont très en deçà de celles pouvant entraîner des effets 
toxiques », affirme l’Agence française de sécurité sanitaire des 
produits de santé, estimant que « le retrait systématique des amalgames 
ne se justifie pas ». Des conclusions confirmées par un rapport du 
Scénihr en 2008. Ce comité scientifique chargé par Bruxelles d'évaluer 
les risques sanitaires émergents déclare en janvier 2008 que « 
l'amalgame est parfaitement sain et sans danger ».
Le rapport de l’Afssaps recommande toutefois « d'éviter de placer des 
amalgames dentaires au voisinage direct d'autres alliages de métaux ». 
Et préconise « d’éviter ces actes chez la femme enceinte ou allaitante 
». L’agence reconnaît donc bien l’existence d’un risque, sans pour 
autant appliquer le principe de précaution. « Effectivement, il y a des 
patients qui ont des allergies, mais les autres n’ont rien », estime 
Michel Goldberg, odontologiste – spécialiste des dents - qui a participé 
au rapport de l’Afssaps. Et de s’emporter : « Ce n’est pas parce que 
l’on déplore l’existence de culs-de-jatte qu’il faut interdire à tout le 
monde l’usage de la bicyclette ! »
En juin et novembre 2008, la députée UMP de la Moselle Marie-Jo 
Zimmermann demande à la ministre de la Santé Roselyne Bachelot 
d’interdire l’amalgame chez la femme enceinte et l’enfant. Sans succès. 
Le ministère reprend en effet les conclusions du rapport de l’Afssaps. 
Selon Paul Karsenty, expert à la direction générale de la santé, les 
pouvoirs publics ne font que suivre les avis des experts qui « affirment 
de manière unanime que les amalgames ne sont pas dangereux ».
Qu’en est-il de toutes les études qui prouvent le contraire ? Jean Huss, 
président de l’Akut et parlementaire luxembourgeois, est formel. Si 
l’Afssaps a conclu à l’inocuité des amalgames c’est parce que toutes les 
études montrant l’existence d’un risque ont été écartées. Michel 
Goldberg, l’expert de l’Afssaps, l’avoue : « Les rapports présentant des 
biais dans la méthodologie d’analyse n’ont pas été lus. » A la question 
de savoir quels sont les "bons" critères d’analyse, il répond sans 
hésiter : « Ceux que nous avons définis au sein du groupe de travail. La 
salive n’en fait pas partie, par exemple. Il faut faire une prise de 
sang ou d’urine. »
Au-delà de la bibliographie sélective, Jean Huss met en cause le choix 
des experts. « Aucun épidémiologiste ou toxicochimiste indépendant n’a 
travaillé sur le rapport sur Scénihr », déplore le député. Même constat 
pour le groupe de travail de l’Afssaps, dont les 14 experts sont des 
dentistes connus pour leurs prises de position en faveur des amalgames 
dentaires.
Intérêts économiques
Qui a donc intérêt à maintenir l’usage des amalgames au mercure ? Les 
fabricants d’amalgames sont régulièrement montrés du doigt. Or, ils ne 
produisent pas seulement des plombages mais aussi d’autres matériaux de 
restauration, comme les composites dentaires, qui ne contiennent pas de 
mercure. Des produits complexes qu’ils vendent plus chers aux dentistes. 
Ils n’ont donc pas intérêt à maintenir les plombages.
Pour Jean-Louis Masson, sénateur divers droite de la Moselle et auteur 
d’une question parlementaire sur les amalgames, les principaux 
intéressés dans cette « affaire de gros sous » sont à rechercher du côté 
des dentistes : « L’ordre des dentistes fait pression sur le 
gouvernement pour continuer à poser des amalgames, qui sont plus 
rentables. »
Accusation à laquelle Roland Rémy, président de l’Ordre des chirurgiens 
dentistes du Nord, rétorque : « On n’y a aucun intérêt. Qu’on nous 
propose de mettre des amalgames ou des composites, c’est exactement le 
même coût de revient. » Faux. L’amalgame au mercure est plus facile et 
plus rapide à poser. Les dentistes ont donc intérêt à l’utiliser, comme 
en témoigne Sandrine G. : « Le soin à l’amalgame coûte beaucoup moins 
cher que le soin au composite. Depuis que je ne pose plus d’amalgames, 
je fais une croix sur 10 000 euros de revenus par an. »
Les amalgames seraient-ils plus économiques pour les caisses de la 
Sécurité sociale ? Plus résistants, ils doivent être changés trois fois 
moins souvent que les composites. Donc trois fois moins d’actes à 
rembourser. « C’est un produit qui n’est pas cher et qui présente des 
qualités de longévité. Pour la Sécu, c’est un impact économique 
extraordinaire », assure le chercheur sur les biomatériaux 
Harmurt-Frederic Hildebrand, qui a participé aux débats de l’Afssaps. La 
Sécurité sociale, elle, dément.
Un intérêt économique mais aussi un intérêt politique. Difficile pour le 
gouvernement de reconnaître le danger de l’amalgame au mercure après des 
années d’utilisation. Pour Harmurt-Frederic Hildebrand, l’Etat veut 
éviter « une hystérie nationale ». Et Jean-Marie Danze, le consultant 
belge, de conclure : « Si l’on interdit les amalgames, il y aura 
d’énormes procès, bien plus que pour l'amiante. L'Etat n'a pas envie de 
débourser de l’argent à cause d’erreurs passées devenues inavouables. »
* Les noms ont été changés.
Pauline Froissart
Audrey Garric
Marine Pennetier
Ecole supérieure de journalisme de Lille